Les principes de l'écriture interactive
réside dans les domaines de la perception et de la compréhension. Nous
avons voulu montrer que toute tentative de connaissance ou de transmission
de connaissances passe par l'artifice d'une classification. A cette
tentative de mise en ordre s'ajoute les artifices de mise en forme,
de mise en espace. Les outils conceptuels à disposition tels
que la métaphore ou le fragment ne sont pas nouveaux ; ils doivent
permettre d'optimiser la lecture hypertextuelle.
Notre
rapport à un ordre de l'écrit est modifié puisque l'information n'est
plus présentée de manière linéaire ou chronologique mais elle présente
différents fragments de même valeur. Nous sommes alors face à une information
entropique et a-causale. Nous pouvons réintroduire une dimension spatiale
et temporelle à travers l'utilisation de la métaphore. La technologie
Quicktime VR nous rappelle la vision nouvelle illustrée par le cubisme
qui déjà avait bouleversé nos habitudes de perception des choses. Nous
comprenons alors que le multimédia ne correspond pas seulement à l'intégration
de texte, d'images et de sons sur un support ni même seulement un hypertexte.
S'il est vrai que nous nous trouvons
face à un schème éclaté au premier abord, s'ajoute à l'acte de conception
l'acte de construction du destinataire qui illustre une potentialité
de virtualité du système. D'autres virtualités sont à ouvrir. C'est
à l'utilisateur de décider lesquelles correspondent le plus à ses besoins
informationnels. L'utilisateur doit trier l'information , choisir parmi
différents visions du monde classées par catégories. Tout l'art du scénario
est d'agencer différentes visions des choses, de permettre des alternatives
qui poussent au regard critique. L'écriture interactive présente de
ce point de vue davantage de contraintes que la lecture " interactive
" car c'est l'écriture qui génère en son sein la synthèse cognitive
en préservant la liberté de l'utilisateur.
"La perception
est donc bien un processus de sémantisation, personnel et collectif,
c'est-à-dire d'attribution en permanence de significations aux choses,
aux situations, aux autres et donc de catégorisation. Le danger, c'est
de croire que toute catégorisation que nous avons faite nôtre, sera
aussi universelle, commune à toutes les cultures. "... " Au jeu de la
catégorisation, on peut aussi bien s'enfermer et s'ouvrir au monde.
Ce qui compte, c'est de comprendre comment, quotidiennement, nous avons
besoin de catégoriser, et comment, cela peut être dangereux… "A trop
vouloir classer, ne court-on pas le risque de l'exclusion, de la focalisation
? A trop vouloir formaliser, ne risque-t-on pas d'épuiser la création,
l'imagination et l'invention ? (1)
C'est donc bien au moment de la
conception que va se déterminer la nature des représentations qui vont
se construire chez l'utilisateur.
Il s'agit en d'autres termes de déterminer la
manière dont le concepteur va représenter une réalité, un domaine de
connaissances afin d'amener le destinataire à construire et à faire
évoluer ses propres représentations du monde. Ce qui fait défaut aujourd'hui
au monde du savoir et de l'information, c'est que l'information submerge
les esprits, se diffuse et se banalise. Ce qui fait défaut n'est pas
l'information mais bien les compétences nécessaires à son traitement
et à son tri en fonction des besoins spécifiques de chacun.
Vouloir médiatiser le savoir implique de s'interroger
sur les nouvelles formes d'écriture, de lecture, de communication et
de partage du sens. De plus en plus, à travers des dispositifs d'apprentissage
médiatisés, on tend à vouloir créer une dynamique de fonctionnement
par groupe. On veut donner la possibilité aux apprenants de mettre en
commun leurs travaux à travers la création de lieux virtuels adaptés
et favorisant le travail coopératif et le partage des connaissances.
Ceci exige des apprenants la construction de représentations communes
d'un concept mais cette démarche implique aussi, en terme de conception
des interfaces, de structurer clairement le design des possibilités
dialogiques du système.
" L'interface dans un dispositif multimédia,
c'est beaucoup plus qu'un simple moyen d'accès aux fonctionnalités du
produit, l'interface, c'est le produit. " (Mardsjo,1996). Il s'agit
par l'intermédiaire de l'interface( constituée) et donc de la métaphore
(constituant) d'engager l'utilisateur dans des activités qui font sens
tout en lui fournissant un modèle cognitif de l'environnement ou micro
monde dans lequel il aura à évoluer. Dans tous les cas, la métaphore
comme outil au service du concepteur et de l'utilisateur du produit
répond aux principes qui gouvernent l'écriture et la réception " interactives
" : elle aide l'apprenant à découvrir le contenu du produit et sa structure.
Elle répond alors au principe de structuration. Elle répond au second
principe d'interactivité : elle rend l'activité de l'utilisateur plus
significative et l'engage de fait dans l'action. Elle répond enfin au
troisième principe de régulation puisqu'elle gère l'orientation de l'utilisateur
à travers des repères utiles et familiers et à travers l'homogénéité
des espaces. Peut-on parler d'un mise en abîme des principes de conception
applicables aux produits éducatifs, principes qui s'appliquent de fait
aux métaphores inscrites dans ces mêmes produits ?
(1)VIGNAUX, Georges. Le Démon
du classement : penser et organiser. Paris : Seuil,1999.p.102-104.