De "l'archéologie du savoir " émergent des
fragments de discours, des voix, des univers de signification " tissés
" de relations invisibles qui contribuent à nous construire. Ces fragments
ou paradigmes de connaissances nous imposent une vision du monde collective
et individuelle agrémentée de normes et d'une manière de penser à laquelle
nous ne pouvons échapper. " La connaissance s'organise en fonction de
paradigmes qui sélectionnent, hiérarchisent, rejettent les idées et
les informations ainsi qu'en fonction de significations mythologiques
et de projections imaginaires. "(1)
La perception visuelle subit ces paradigmes,
ces catégorisations, ces taxonomies qui conditionnent notre sélection
d'informations, notre reconnaissance des objets, des couleurs… C'est
de cette manière que se construit ce qu'on appelle la réalité. " Ces
rangements sont davantage des " catégories de pensée scientifique "
que des réalités . "Et " rien n'est plus sécurisant…que ces classifications
que la science a mis tant d'efforts à nous offrir. " " Tout se classe
pour se penser, tout s'organise pour se comparer et donc se catégoriser.
"(2) . Georges Vignaux dans Le Démon du Classement : penser et organiser
(Seuil,1999) se penche sur la question à la fois épistémologique,
cognitive et pratique de la construction des connaissances et la tentative
de transmettre ces dernières car nous sommes au quotidien tributaires
d' espaces de sens délimités par des frontières.
Si " l'histoire de la pensée est…celle d'une
lente et patiente obstination à classer les choses, les êtres et les
phénomènes pour donner du sens aux choses ", c'est peut-être bien parce
que l'activité de catégoriser, d'évaluer la réalité, correspond à une
stratégie pour extraire l'information du chaos et de l'aléa. Il s'agit
bien au quotidien d'élaborer des schémas d'action, d'évaluer une situation
en fonction de scénarios mentaux. En effet, l'information ne peut livrer
son message que dans des cadres stables, voire répétitifs. Plus l'individu
possède au niveau cognitif de schèmes organisateurs de la connaissance,
plus il peut s'adapter et interroger le monde, transformer l'information
en connaissance. C'est pourquoi la catégorisation est " une vieille
histoire du monde ". Elle est " au cœur de l'humanité dés qu'on se met
à vouloir mémoriser car il faut bien trier et différencier si l'on veut
pouvoir conserver. " (2)
S'interroger sur le concept de catégorisation
nous amène dans le cadre d'une réflexion sur le transfert des savoirs
et les nouvelles technologies à nous interroger sur le concept de conception.
En effet, concevoir, c'est organiser, classer, trier pour permettre
la mémorisation, inclure pour mieux exclure certaines informations des
fragments de connaissances.
(1)MORIN, Edgar. La Méthode. Tome 4. Les idées.
Paris : Seuil,1992.p.22.
(2)VIGNAUX, Georges. Le Démon du classement
: penser et organiser. Paris : Seuil,1999.p22. Vignaux.p.7 Vignaux.p.24