Cherchant à établir une théorie valable pour l'étude et l'analyse de phénomènes anciens et modernes, Aarseth se heurte à un problème, et pour cela doit, dès l'introduction poser et définir un grand nombre de mots et de concepts. Il y a une double raison à cela. D'une part, en abordant un thème de recherche ancien comme la théorie de la littérature, il se heurte à une discipline déjà existante, donc possédant déjà ses théories et systèmes d'analyse : il est donc obligé de préciser la terminologie. D'autre part son but est de créer une théorie d'analyse sur un champ neuf, il doit donc définir tous ses termes. Or, le propos de l'auteur est de ne pas dissocier littérature "électronique" et littérature "traditionnelle", car pour lui cette distinction n'est pas fondée. Il se propose en revanche d'étudier de manière transversale la mécanique des textes ; pour cela il doit établir une terminologie pour ensuite bâtir son système d'analyse. L'auteur afin d'éviter tout malentendu définit ses termes mais pas avant d'en avoir observé tous les sens qui lui ont été donné, de manière à faire comprendre au lecteur le sens que lui-même lui donnera, toujours en regard d'autres théories. Par exemple, Aarseth décrira et analysera longuement la notion de labyrinthe afin de bien définir entre autres la linéarité, la non-linéarité dans une perspective ergodic. Ces précisions ont pour avantage de reposer les questions et donc d'exiger de la part du lecteur de réfléchir au cours du texte. La lecture est donc très difficile car le texte est dense et apparemment gorgé de digressions. Une seule lecture est très insuffisante car fatalement le lecteur se perd dans le texte, en oublie s'il lit une affirmation de l'auteur ou une citation d'un autre auteur, qu'Aarseth viendra contredire plus tard. Une deuxième lecture est donc nécessaire si l'on veut saisir les perspectives de l'auteur. L'intérêt de ce texte réside principalement dans sa volunté d'appliquer la notion de littérature ergodic non seulement à la littérature électronique mais également à toute forme de cybertextualité, dont imprimée. Une donnée me surprend cependant, l'auteur définit soigneusement les termes qui lui seront utiles pour définir les articulations, la mécanique des textes ergodics, mais il ne semble pas dissocier le processus d'écriture du processus de lecture. Son système est d'ailleurs conçu comme outil d'analyse de textualité ergodic existante. Or il me semble que le processus de création de littérature ergodic mériterait une attention particulière. Il est vrai que l'auteur aborde dans le chapitre 7 les MUDs, qui sont typiquement de la littérature ergodic. Mais il ne semble pas déterminer une terminologie ainsi qu'un système d'analyse spécifique au processus d'écriture. Ce qui m'amène à la notion d'écriture interactive. Excepté les MUDs par exemple, l'écriture n'est jamais réellement interactive, l'interaction est à sens unique. Le lecteur peut créer une narration, mais toujours à partir d'écrits existants. Il ne peut pas vraiment influencer le texte. Peut-être alors pourrions-nous parler de lecture interactive. Elle l'est dans le cas d'un livre dont vous êtes le héros. Mais le texte est toujours préexistant. Ou alors la notion d'écriture interactive se réfère-t-elle à la perspective dans laquelle le texte a été écrit. N'ayant pas réussi à m'éclairer sur ce terme, c'est avec soulagement que je découvre le texte d'Aarseth, car en me guidant vers les notions de labyrinthe, de multicursalité, de choix critique, de mécanique du texte, il me permet de comprendre des notions dont je n'avais auparavant qu'une simple intuition. |
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