1.IV. L'écriture dans le multimédia

Comme le dit Stansberry lui-même, les questions que posent l'émergence de ce nouveau média ont des implications très vastes et dépassent le seul problème de l'écriture. Y répondre n'est donc pas chose aisée. Néanmoins si l'on se fonde, pour débuter, sur l'écriture et le design d'interactivité il convient de ne pas oublier que le multimédia est plus qu'un simple outil, c'est un média. En tant que tel il porte un message intrinsèque. Or la connotation ou la forme du message dépendent du média lui-même : ici c'est l'interactivité.

Bien que l'exploration en soit aléatoire, une partie du travail des auteurs multimédia pourrait être de guider l'utilisateur à travers la masse des informations. Ainsi le travail de l'artiste ne serait autre que ce qu'il a toujours été : structurer l'illusion et faire naître l'ordre du chaos.

Des notions de l'avant-garde littéraire des années 1970 - 1980 comme l'exploration de l'utilisation de différents points de vue, la narration multilinéaire et les techniques de collage se retrouvent dans le multimédia. Néanmoins la narration classique n'a pas pour autant disparue et reste une part importante de l'écriture. Les structures fondamentales classiques de l'écritures gardent, tout comme les lois de la physique newtonienne, leur utilité. En effet le point de vue futuristes ne considère pas que tout ce que nous savons de l'univers est faux mais seulement qu'il existe différent angles de perception. Il existe à la fois des éléments de narration et d'association. La même chose est vraie pour le multimédia : la structure de l'information suppose une fusion de l'interactivité avec des conceptions d'exposition et de narration traditionnelles.

L'univers est en quelque sorte tout ce qui a été, est et sera et même tout ce qui pourrait être. Dans cette perspective l'ancien côtoie le nouveau dans une juxtaposition infinie. Les écrivains pour le multimédia peuvent être amenés à franchir les frontières interdisciplinaires en utilisant la narration et l'exposition mais aussi en explorant les mondes du jeu vidéo, du design visuel et de la programmation. Ainsi se fait jour une nouvelle définition de ce qu'est écrire car un livre est différent d'un script où l'utilisateur crée ses juxtapositions, son ordre et son désordre propres.

Toute esthétique ne signifie pas l'étude de comment est fait une chose d'une certaine façon mais de plusieurs. La question esthétique fondamentale est ainsi comment les notions de beauté, de forme changent avec le temps et comment des idées contradictoires existent simultanément dans la culture ou dans une œuvre personnelle. L'esthétique du multimédia c'est les formes classiques couplées à la multitude d'éléments comme le chaos, l'ordre, le sens et le non sens…
Les conclusions sur l'esthétique de Stansberry sont assez troublantes : il n'y a apparemment pas de liens directs avec ce qui a été étudié avant ce qui affaiblit sa démonstration de la nécessité d'une esthétique multimédia. De plus les notions et les concepts qu'il convoque reste flous et hétérogènes. Enfin, le fait qu'il tarde à dénoncer, ou du moins à énoncer, la compromission des futuristes avec les fascistes rend peu crédible le fait qu'il soient des précurseurs du multimédia et laisse penser qu'il avait un besoin impérieux de trouver des ancêtres et des racines pour son esthétique du multimédia quel qu'en soit le prix.

[Page précédente] [Plan du document] [Plan du chapitre] [Page suivante]